MINUTE PASTORALE NO. 218


COMME LE BON SAMARITAIN DE LA PARABOLE, PRENDRE SOIN DE LA MAISON COMMUNE


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Comment la parabole du bon Samaritain peut-elle nous éclairer sur notre comportement envers le soin de la planète?

Au centre de la parabole, un homme blessé. Il a été sérieusement agressé par des bandits et tentant de se défendre, il a dû céder à une lutte inégale : il a été dépouillé de ce qui lui appartenait et il a été volé sans doute parce qu’on avait besoin de ses biens, on l’a battu et roué de coups et on a quitté les lieux, laissant le blessé à demi-mort sur le bord du chemin. Deux passants le voient bien, mais passent à distance contrairement à un Samaritain qui l’a vu, a entendu ses cris de détresse et qui s’approche pour en prendre soin.

Déjà, ce récit peut facilement s’appliquer à un environnement agressé par les humains les plus favorisés qui dépouillent et volent cette nature dans le but de satisfaire leurs besoins de confort et de sécurité toujours grandissants. Ce combat est inégal pour notre environnement qui fait face à une exploitation sauvage de ses ressources : déforestation, extraction minérale, gazière, pétrolière, épuisement de la faune aquatique et terrestre, pollution de l’air et de l’eau…On l’a dépouillée en la rouant de coups et on la laisse blessée, contaminée, à moitié morte.


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Le pape François, dans son encyclique Laudato Si’, ajoute aux blessures de la planète, les blessures affligées aux populations les plus démunis qui sont les principales victimes du saccage de l’environnement :

 Souvent on n’a pas une conscience claire de problèmes qui affectent particulièrement les exclus. Ils sont la majeure partie de la planète, des milliers et millions de personnes. Aujourd’hui, ils sont présents dans les débats politiques et économiques internationaux, mais il semble souvent que leurs problèmes se posent comme un appendice… De fait, au moment de l’action concrète, ils sont relégués fréquemment à la dernière place (no 49).

 Il est démontré que ce sont les pauvres qui souffrent davantage des plus graves effets de toutes les agressions environnementales (No 48).

Combien de communautés autochtones ont subi ces agressions envers leurs territoires et leurs ressources. Certaines ont résisté, se sont battues mais elles sont devenues victimes d’une lutte inégale. Nous connaissons tous les effets néfastes de la colonisation, colonisation qui existe toujours sous différentes formes en regard des peuples les plus démunis. Les cris de ces démunis sont étouffés comme l’ont démontré l’absence d’écoute de leurs cris et le refus de leur accorder les moyens financiers pour se prémunir contre les effets des bouleversements climatiques qui se font davantage sentir chez eux. On l’a clairement constaté lors des dernières conférences sur les changements climatiques et sur la biodiversité : Cop23 et Cop15. Les populations riches du Nord n’ont l’oreille que pour les exploiter afin de satisfaire leurs besoins de confort et de sécurité. Les pays africains sont les plus touchés par ces agressions.

Dans la parabole, on a battu l’homme pour le voler et le dépouiller. Aujourd’hui c’est encore le cas lorsque de puissantes entreprises font appel à des forces policières ou militaires afin de déloger des populations sans défense dont on convoite les ressources naturelles. Me viennent à l’esprit ces sauvages agressions contre les autochtones de Sanding Rock (USA). Ils se présentent comme les protecteurs de l’eau potable et manifestent contre le passage de pipelines sur leur territoire. Des images nous montrent des cavaliers armés de fouets et de chiens enragés qui les chassent et parviennent ainsi à y faire passer le pipeline : combat inégal. On connaît de semblables cas dans l’Ouest de notre pays où des autochtones sont rudement harcelés par la police fédérale afin de laisser passage à un pipeline sur leur territoire. Toute atteinte à l’environnement sans respect des conventions territoriales touche des humains affaiblis et dont les conditions de vie sont bafouées. Une fois terminée l’extraction de pétrole ou de minerais, on y laisse une nature désolée et dévastée, souvent souillée de déchets toxiques, abandonnée comme le blessé sur le bord de la route.


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Une telle application de la parabole de Jésus à nos comportements environnementaux nous met face à deux attitudes : celles de ces deux passants qui voient mais qui font preuve de la plus totale indifférence. De plus, comme il s’agit de passants religieux (prêtre et lévite), n’y a-t-il pas là un appel aux chrétiens, disciples de l’Évangile axé sur l’amour de Dieu et du prochain? Le chrétien n’a pas le droit de passer à distance; l’amour du prochain lui demande d’imiter le bon Samaritain en s’approchant et à se laisser toucher de compassion. L’Évangile exige une approche qui émane du cœur et non du profit. Un chrétien qui fait preuve d’indifférence, qui ne réalise pas ou ne veut tout simplement pas admettre être complice du mal fait au prochain pauvre et lointain n’aime vraiment pas son prochain comme sa foi l’exige. L’apôtre Jean l’affirme très clairement:

 Si quelqu’un possède les biens de ce monde et voit son frère dans le besoin et qu’il se ferme à toute compassion, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui (1 Jn 3, 17-18)?

 En effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas (4, 20-21).

 Caïn était du mauvais, il égorgea son frère. Et pourquoi l’égorgea-t-il? Ses œuvres étaient mauvaises tandis que celles de son frère étaient justes (3,12).

Nos styles de vie qui polluent des frères et sœurs qui ne polluent pas contribuent ni plus ni moins à les égorger. Des chrétiens au style mauvais font mal à ceux qui sont justes en ne polluant pas.


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Notons que le contexte de la parabole repose sur ces deux questions : Et qui est mon prochain? Et, que dois-je faire? Ce prochain majoritaire, pauvre démuni, désarmé? Le Samaritain, après avoir soulagé le blessé de ses plaies le prend en charge sur sa propre monture et le conduit à l’auberge afin d’assurer la permanence des soins, ce qui va bien au-delà d’une démarche uniquement ponctuelle et calculée; il va au bout de l’amour en promettant de repasser. Nos pays riches, dont les chrétiens font partie, ne semblent même pas prêts à payer et à partager les coûts de la pollution avec les plus démunis.


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Le croyant ne doit pas s’identifier à ce notable ou à ce jeune homme riche qui pratique à la lettre les commandements mais qui refuse de quitter sa sécurité et son confort (Lc 18,18-23) pour aimer vraiment ce frère et cette sœur auxquels le Christ s’identifie.


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Le 5 juin de chaque année marque la Journée mondiale de l’Environnement. Cette journée trouvera-t-elle écho dans la révision de nos styles de vie en train d’épuiser les ressources de notre maison commune? Trouvera-t-elle écho dans ce que le pape François appelle notre conversion écologique? Les chrétiens qui vivent en pays riches se démarquent-ils dans leur comportement environnemental? Pourtant le respect de la Création est une question d’amour envers le Créateur et nos frères et sœurs humains. La crise environnementale peut se présenter comme une grâce pour honnêtement nous demander si nous aimons notre prochain. Une telle grâce n’a aucunement trouvé écho dans le cœur de ces deux religieux pratiquant. Leur indifférence trahit clairement qu’ils n’aiment pas leurs prochains. Pour eux, la fidélité au culte les a rendus aveugles et contribue à se faire illusion quant à la pratique de l’amour de l’autre. Le grand commandement de Dieu qui résume toute vie chrétienne, celui de l’amour, souffre alors d’une sérieuse amnésie.


Cette journée mondiale du 5 juin devrait s’annoncer comme un moment de prise de conscience et de ferventes prières à l’Esprit d’amour. Puissions-nous nous laisser secouer par son puissant coup de vent afin d’être, au milieu de notre monde actuel, de crédibles témoins chrétiens pour qui l’amour du prochain s’exprime en tenant compte des conséquences environnementales néfastes que nous infligeons aux plus démunis.


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Évitons de faire aux autres

Ce que nous ne voulons pas qu’on nous fasse!

 

 

Jean-Pierre Joly ptre

Juin 2023